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PAROLES DE CITOYENS

BRONX EN SEINE 

2015 - 2017

 Après les représentations ...

 

Un Riche, trois pauvres et autres aventures urbaines...

Paroles de spectateurs 

 

« Merci encore de m’avoir invitée à ce beau spectacle qui reflète des questions de société mais qui est en même temps très rafraichissant. » I.G.

 

« Cela m’a beaucoup ému de voir mes élèves engagés dans cette belle aventure. Je me disais que c’était bien de passer le relais et d’aller voir l’un des projets dans lequel, ils allaient s’investir. » N.P.

 

« Quel formidable travail vous avez réussi, l’enthousiasme, la créativité, l’humour et des sacrées personnalités chez les ados. Je me suis régalé bravo ! » A.H.

 

« J’étais très ému hier par le spectacle qui est à la fois d’une grande générosité et d’une grande exigence artistique. » L.C.

 

« Nous te félicitons ! Cela nous à beaucoup plu ! Quel travail vous avez accompli !! » S.Q.

 

« Bravo pour ce projet si enrichissant humainement et artistiquement. »J.V.

 

« Bravo et merci encore pour ce super show qui m’a époustouflée. »M.Z.

 

« Superbe spectacle ! Bravo à tous les comédiens. » G.R.

 

Un Grenier plein d'espoir

 

Bronx en Seine vu par les jeunes et leurs familles

 

Paroles des comédiens et leurs familles

 

« Je vous remercie parce que grâce à vous nos enfants sont plus forts. » Arnaud, père de Nicolas

 

« Pourvu que ça dure ! Ca vaut le coup..! »Anne, mère de Pauline

 

« Le théâtre c'est de la 'sociabilisation',

travailler avec d'autres ! » Léonard, élève de terminale

"C'était un beau spectacle...un très beau travail" Z.B

"Nous avons aimé la mise en scène avec ses tableaux successifs et son fil rouge, le clown Vete. Nous avons également apprécié la scénographie et les costumes, la corporalité des comédiens et leur jeu, notamment dans les scènes de groupe. (...) un bon spectacle, un thème humaniste, des comédiens qui y croient. Et la lumière qui apporte beaucoup !"  J.C

"Bravo et merci pour cette réalisation qui m'a beaucoup touchée par sa justesse. Et par la progressive maturité de ces jeunes qui font plaisir tant on sent que le leur est grand. Merci aussi pour tout cet humanisme" J.-L.V


"C'est un beau travail et il y avait une belle énergie sur le plateau. Bravo encore !" F.C

Impressions de spectateurs

Le Songe d'une nuit de mai à la MPAA

2011

« Les sentiments étant divers, je ne peux pas nier aujourd'hui cette admiration devant autant d'humanité que j'ai découverte le soir de dimanche dans votre spectacle.Je dois vous avouer que maintenant je suis même un peu jalouse car je réalise que c'est ce qui manque à notre troupe, et ce qui est un composant irremplaçable dans n'importe quelle création, et c'est grâce à cette humanité que s'établisse le rapport entre le spectateur et l'acteur ». H.C. 

« Tout se passe en soi ; c'est tout simplement bouleversant. Quel art pour mettre en scène avec autant de pertinence ces acteurs professionnels et les gens "ordinaires" et le spectacle réconcilie avec la vie c'est pétillant, léger .........c'est formidable (M.T. Q.L.)

« Ce spectacle est une très belle réussite. …» M.B.

« Encore bravo pour cette adaptation du songe . l'émotion, le rire et la générosité était au rendez vous !et longue vie a votre projet qui mérite d'être vu et applaudie ! » I. D. B.

« Une excellente nuit de mars j'ai passé!J'ai été emballée et absorbée par ton univers. J'ai eu le sentiment d'entrer dans un livre pour enfants (grivois, un peu quand même...) dont vous êtes le héros pendant 1heure 40. Je suis très admirative du travail que tu fais avec tous ces gens si différents. C'est un spectacle résolument vivant, dans tous les sens du terme, et ça fait un bien fou! »

« J'ai un faible pour Pyrame, et pour le mur qui m'ont bien fait rire.» G.D.

« C'est courageux et noble de t'être occupé de certains handicapés, ils ont très bien travaillé. 
On sent que la pièce a demandé beaucoup de travail aussi. C'est une réussite, on a aimé les costumes, la mise en scène avec la musique et les décors.» E.D.

Regards croisés sur 

Le Songe d'une nuit de mai 

Création 2010

« Le choix judicieux et formidablement adapté d'abord de la pièce du Songe, cosmos en miniature où se croisent en se rencontrant les trois classes humaines, dieux, aristocrates, artisans, jeunes et vieux, animés, agités, aveuglés tous par l'énergie amoureuse qui mène le monde; et donc dans cette comédie solaire, la possibilité pour chacun, avec ses capacités habiles ou malhabiles, sa folie, son embarras, sa tendresse, son désir d'aimer et d'être aimé, de faire vivre un personnage, d'être présent dans l'histoire et sur la plateau, nécessaire à l'histoire, et d'y être ainsi valorisé. (...) »

 

Florence Castera,

Ancienne responsable du Programme Partager l’Art, Transformer la Société de la Fondation de France.

 

 

« (...) Et la machine s’emballe, et on savoure ce train qui déraille à toute allure. Et toutes les résonances d’aujourd’hui sont là : et tout cela cohabite en harmonie devant nous, dans un seul but : nous divertir, mais aussi nous édifier. Nous édifier à quel propos ? A propos du théâtre justement. Car nous étions nombreux à avoir oublié, à avoir oublié que le théâtre pouvait revêtir cette dimension de fête populaire, à avoir oublié que tout le monde pouvait s’inviter sur scène le temps d’un songe, à avoir oublié la puissance de subversion que la scène pouvait encore avoir, ici et maintenant. Et on sort de là se disant que c’est pour ça qu’on avait commencer à faire du théâtre, que c’était pour tout le monde, et que c’était une arme, une technique qui était partageable entre tous. (...). Ce spectacle nous donne envie de continuer à nous battre pour reconstruire une humanité diverse mais qui se parle, et qui sait rire d’elle même. »

 

Tristan Schoumaker,

Militant associatif nanterrien, médiateur et assistant metteur en scène au Théâtre du Bout du Monde.

 

 

« J’ai beaucoup apprécié d’avoir la mise en train de Miguel Borras, le lundi matin. Cela me fait penser à la mise en scène de Byrne Pïven avec lequel j’ai travaillé en 1976 à Chicago sur des nouvelles de Tchechov. Les acteurs et les actrices, blancs et noirs, de différents niveaux se mélangent et se brassent tout en se concentrant, sur les gestes ou les émotions. J’ai aussi bien apprécié la ronde silencieuse des acteurs et des actrices, et la costumière pendant que le rideau du premier acte soit levé. Il n'y avait pas un chat ! Nous nous sommes concentrés, nous nous avons chassés ou vidés les émotions. Cela fait me penser à un rituel religieux. Tout d’un coup, quand brusquement les mains spontanées tombent, comme les ondes du lac. On se réveille, on s’ébroue et maintenant en piste Voila! »

 

Remi Clignet,

Comédien du Songe d’une nuit de mai

 

 

« J'ai eu la chance de travailler sur Le songe d'une nuit de mai mis en scène par Miguel Borras. Cette aventure hors du commun qui a mêlé personnes venant du Cash, d' Emmaüs avec des comédiens professionnels autour du texte de William Shakespeare m'a complètement réconcilié avec le plateau et le théâtre en général. J'ai vu Marie-Thérèze Boulogne, Mounir Koutar, Jean M'Piaka, Moktar Shanoune, Fatima Zouad... s'investir dans le projet d'une manière très professionnelle, je les ai vu s'épanouir et prendre confiance en eux, je les ai vu grandir. Le Théâtre du Bout du Monde a réussi un pari qui me semblait au départ très difficile à tenir. Sur un même texte, une même mélodie nous étions tous au service de cette histoire fabuleuse du Songe pour l'offrir au spectateur.Un voyage extraordinaire en tant que comédienne.Bravo encore aux créateurs de cette aventure. Bravo Miguel Borras et Philippe Guérin pour votre patience et votre don de réunir les gens.Bravo à l'équipe technique et administrative. Bravo et merci. »

 

Stéphanie Correia,

Intervenante théâtre enfants du TBM, et comédienne dans le Songe d'une nuit de mai

En amont de la Semaine de OUF 

2009

Paroles de citoyens du Petit Nanterre

 

En amont de la Semaine de OUF de 2009, nous avons mené des sittings sur le quartier à l’initiative de la compagnie Sangs Mêlés. Avec des questionnaires sur la vie des jeunes, leur place dans la cité, dans le quartier, nous avons interrogé les habitants des Canibouts et des Pâquerettes.
Nous : le TBM, Zy’va, les Canibouts, le GAO, et bien sûr Sangs Mêlés et Dramad !

 

Thé chaud et bonbons étaient offerts aux passants. Un moment convivial et unique dans la cité.
Beaucoup de sourires et de rêves, beaucoup de colère aussi, et plein de questions !

Extraits :


« Ici, aux Can’s, il y a plein de structures, d’aides, ça va. Mais ce qui manque, c’est des trucs comme vous, des gens juste là dehors avec nous, pour nous parler ».

Deux jeunes collégiennes des Canibouts :


"On voudrait des immeubles avec des couleurs et de l’espace.
Des couleurs qui donnent envie de venir : du vert, du rose, du rouge, du jaune.
Un espace pour les jeunes avec des motos, du karting. Un espace ou ils puissent se rencontrer, s’amuser, être tranquille, « pas comme dans le hall » de l’immeuble. 
Il faut mettre le bâtiment K à l’horizontal et en faire un « centre ville » : avec une patinoire, une piscine, des magasins…"

« J’aime mon quartier, je m’y sens bien. C’est le meilleur quartier de Nanterre! On s’y promène avec mes copines, c’est ni trop grand, ni trop petit. On s’y retrouve…
Je suis un peu la chouchoute des mecs qui sont devant ED, les grands frères. Je vais discuter avec eux là bas! J’adore le jardin à côté de la M.E. Les grandes boules avec les jets d’eau. On y va avec les copines ! »

Après les planches du Zénith 

2009

Paroles de Cédric Enjalbert

"Du trottoir aux planches, avec le Théâtre du Bout du Monde" 

Les Trois Coups

 

Reportage sur le Théâtre du Bout-du-Monde à Nanterre

 

Après un « carton » au Zénith vendredi dernier, à l’occasion des soixante ans de l’association Emmaüs, le Théâtre du Bout-du-Monde, qui œuvre depuis vingt ans à la réinsertion de tous ceux que la société a quittés, nous ouvre ses portes, à Nanterre. Rencontre avec Marie, Philippe et Pascal.

 

« Il est terrible le petit bruit de l’œuf dur cassé sur un comptoir d’étain ! » Cheveux gris en bataille et visage de clown, Philippe Guérin le saltimbanque aime ces quelques vers de Prévert qui disent en peu de mots beaucoup de la scène qu’il investit : « la vraie vie », celle où « le petit bruit de l’œuf dur cassé […] remue dans la mémoire de l’homme qui a faim ». Ce sont d’ailleurs les premiers mots duBar des arts, le spectacle qu’il vient de jouer au Zénith avec dix-sept personnes hébergées par les centres Emmaüs du dixième arrondissement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« La vraie vie, je la prends avec les deux mains, avec les deux pieds »

 

Le Théâtre du Bout-du-Monde, la compagnie qu’il a fondée en 1990 avec Miguel Borras, implantée dans le quartier du Petit-Nanterre – l’ex-plus grand bidonville de France –, entend donner la parole aux plus précaires, pour qui « société » et « le vivre-ensemble » n’ont plus grand sens. Associé depuis 1995 au Centre d’accueil et de soins hospitaliers (C.A.S.H.), une ancienne prison destinée aujourd’hui à l’assistance des personnes en détresse morale, physique ou psychologique, Philippe y est d’abord intervenu comme clown. Pour « distraire » : c’était son contrat. Mais, parce qu’il est convaincu que « chacun a en lui l’infiniment grand » et parce qu’il n’entend pas laisser les malades passifs, ou littéralement patients, ses interventions sont rapidement devenues des actions pour des spec’acteurs.

 

Il a depuis, dans son chapeau, un triple discours : l’un pour rassurer les institutions (« je suis là pour distraire »), un autre pour les participants (« on va monter un projet ensemble ») et un dernier pour théoriser sa démarche (« je m’appuie sur la construction de l’acteur de Stanislavski et mon expérience auprès d’Ariane Mnouchkine, pour que chacun trouve en lui-même les ressources du jeu »).

 

Aujourd’hui, il met en scène le passé chargé et le présent précaire des personnes hébergées. Partant d’une situation concrète, d’un témoignage ou d’une angoisse dont lui fait part l’un des participants – il « aime ces chocs qui sont toujours déclencheurs de quelque chose » –, il écrit un texte qu’il fait ensuite jouer à un tiers. Il demande enfin au premier de mimer le jeu du tiers. Passée à travers plusieurs filtres, la douleur est ainsi épurée au crible de la catharsis : « le vécu des uns vient nourrir le jeu des autres » affirme-t-il. Grâce à cet aller-retour entre la « vraie vie » et la scène, entre le trottoir et les planches, il s’empare ainsi de la misère qu’il met à distance : « la vraie vie, je la prends avec les deux mains… avec les deux pieds, même ».

 

S’appuyant sur des auteurs invités tels Jean-Pierre Cannet, Charles Juliet ou Jean-Claude Grumberg, l’atelier se tient toutes les semaines, deux heures. Gagnant ainsi la confiance des acteurs amateurs et la reconnaissance des institutions, un partenariat s’engage avec le Théâtre des Amandiers. En 2008, lorsque Jean-Louis Martinelli monte en son théâtre Kliniken, les participants du C.A.S.H. rencontrent Lars Norén, lui qui affirme : « Nous ne savons pas ce que le futur a à nous offrir, ni où nous allons et quels problèmes seront les plus importants. La seule chose que nous savons est que nous avons à oser explorer le monde hors théâtre et hors scènes théâtrales. Nous devons aller dans les prisons, dans les égouts, dans les endroits de réadaptation des victimes de tortures, dans les camps de réfugiés, dans les écoles et les maisons de retraite. »

 

Philippe Guérin lui-même travaille l’univers du dramaturge suédois, où « proxos, putes et alcoolos se côtoient », qui naturellement résonne en chacun des participants de l’atelier, depuis longtemps. À présent, la programmation du Théâtre du Bout-du-Monde a partie liée avec celle du centre dramatique national. C’est alors que Pascal, un ancien du C.A.S.H., devient assistant de Philippe, et qu’Emmanuel, aujourd’hui en tournée avec le Théâtre des Amandiers sur les Fiancés de Loches, devient comédien professionnel.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

« Un carton au Zénith »

 

Une rencontre avec Nicolas Roméas, directeur de la publicationCassandre qui connaît Hélène Touluc, elle-même responsable des actions culturelles chez Emmaüs, le met dans les pas de l’association. Depuis 2008, après une rencontre entre les hébergés du C.A.S.H. et ceux des foyers du Xe arrondissement, Philippe organise tous les lundis soir une répétition de deux heures sur un projet qu’il élabore avec les logés par Emmaüs afin de « fissurer les enfermements », comme le formule Christophe Baratault, responsable d’un des foyers. Malgré les absences de certains, les soucis qui souvent priment sur le théâtre, l’alcoolisme, la toxicomanie et parfois la violence – un résidu au fond de chacun qu’il faut évacuer en « secouant le sac jusqu’à la dernière goutte ! » –, un noyau dur parvient à se former autour de six ou sept personnes. Ils tiennent fermement à ce rendez-vous hebdomadaire pour sortir de la misère, pour s’émanciper et retrouver un peu de plaisir. Mais qu’on ne s’y trompe pas, Philippe, Pascal, Marie (qui s’occupe du développement de la compagnie) et tous les membres du Théâtre du Bout-du-Monde ne versent pas dans l’action ponctuelle : « l’État favorise les vitrines, nous on tient le fonds de commerce ! ». Leur travail est de longue haleine, car la confiance se gagne avec le temps. Aujourd’hui, deux collaboratrices ont rejoint Philippe et Miguel, et des liens se tissent entre Emmaüs et l’atelier du C.A.S.H.. Un Bar des arts les réunis, ils l’ont en partie joué au Zénith, « un carton », lors de la fête des soixante ans d’Emmaüs, le 30 octobre dernier.

 

Ce théâtre en mouvement, citoyen et participatif, dit « théâtre de l’opprimé » d’après Augusto Boal dont ils se revendiquent, permet aux hommes précaires de se retrouver « acteurs d’eux-mêmes », dixit Talibi, passé par l’atelier. C’est une forme de sport collectif, avec ses règles, ses échanges, son équipe. « On ne peut pas jouer solo, il faut faire des passes » s’exclame Philippe.

 

Le Théâtre du Bout-du-Monde en bas de la rue permet grâce à des techniques de jeu, technique du je, de renouer le lien entre une société et des hommes qui l’avaient quittée, entre les habitants d’un quartier et ses exclus. Philippe Guérin nous dit en partant, plein d’optimisme, qu’il a encore « plein de trucs dans le chapeau » et qu’il a d’ailleurs « plein de chapeaux »… Et il ajoute : « L’objet du théâtre que je défends consiste à rendre possible des transformations en agissant sur l’une ou l’autre des phases de l’existence : l’enfance, le présent et l’avenir des personnes… ou celui des personnages ! Cette pratique est une sorte d’exutoire par où s’épanche la déraison, ce besoin d’extravagance que nous avons tous, plus ou moins. Nous sommes convaincus de l’absolue nécessité de magnifier les richesses propres à chacun, de les placer au cœur de nos échanges sur l’espace public. Il s’agit à nos yeux d’un enjeu de société majeur ». La pièce qu’ils répètent actuellement ? Le Songe d’une nuit d’été. 

 

Cédric Enjalbert

Un conte intemporel

2007

Paroles de Suzanne Lagotte

 

Article paru dans Nanterre Info - p40 - Décembre 2007 


C’est une première : Miguel Borras, l’un des pères du Théâtre du Bout du Monde, présente sa dernière création à Nanterre, La Maison de Bernarda Alba, de Federico Garcia Lorca.

 

« Adapter une œuvre classique ne faisait pas vraiment partie de mes projets », clame Miguel Borras, qui signe toutefois la mise en scène de La Maison de Bernarda Alba (Féderico Garcia Lorca, 1936), prochainement à l’affiche de la salle des fêtes. Le trublion, qui n’en est pas à sa première création, est l’un des trois membres fondateurs de la compagnie du Théâtre du Bout du Monde (avec André Bonnet et Philippe Guérin) qui a élu domicile, depuis 2005, à Nanterre, quartier du Petit Nanterre. Fondée il y a quinze ans à Antony (92), cette troupe mène plusieurs initiatives dans le champ du « socioculturel participatif ». Tandis que Philippe Guérin (lire encadré) s’ingénie à tisser des liens sensibles et créatifs entre les populations dites fragilisées, Miguel Borras se consacre plutôt au façonnage de spectacles « à forte teneur artistique ». Interprétés par des acteurs amateurs et professionnels, ses œuvres (Le Temps est bien parti pour rester et Du Coq à l’âme, en 2005, notamment) fédèrent un vaste public et cristallisent les enthousiasmes.

 

L’homme interdit

 

« C’est par hasard que je me suis replongé dans l’œuvre de Garcia Lorca, explique le metteur en scène. Un ami qui travaillait sur La maison de Bernarda Alba m’a demandé de reprendre le flambeau. Colombien d’origine, j’ai toujours estimé l’engagement de cet auteur espagnol et cette proposition, associée à la dimension contemporaine du texte, a su trouver écho en moi. » Drame écrit dans les prisons franquistes, en 1936, La maison de Bernarda Alba dénonce avec force les funestes cangues de la société traditionnelle espagnole où « naître femme est le pire des châtiments » (extrait). Quelques mois avant d’être fusillé par la Phalange franquiste, Federico Garcia Lorca livrait un texte universel sur la condition de la femme et la morale religieuse. En résumé, Bernarda Alba, abominable marâtre, décide à la mort de son mari de cloîtrer ses cinq filles pour un deuil de huit ans. L’amour, la frustration, l’espoir sont les grands thèmes de cette pièce qui finit tragiquement.

 

Quelle touche Miguel Borras apporte-t-il à ce classique maintes fois monté ? Tout en magnifiant la force poétique du texte, il fait passer, jusque dans les aspects visuels de sa création, la figure de l’homme à jamais banni de cet univers féminin. S’éloignant de la dénonciation sociopolitique directe pour devenir un huit clos intemporel, la rigidité d’une société claustrée n’en apparaît que plus barbare. Et terriblement actuelle.

 

Suzanne Lagotte

L'homme en chantier

2007

Paroles d'Anabelle Weber

Collaboratrice de Cassandre

 

Article paru dans Hors Série Cassandre / Horschamps, Les Hors champs de l’art « L’art en difficultés, psychiatrie, prisons, quelles actions artistiques ? »


Il est des lieux où l’on se sent, selon l’expression d’Alfred Jacquard, « frères en humanitude ». L’atelier théâtre animé au Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre par le comédien et metteur en scène Philippe Guérin est l’un d’entre eux. Depuis dix ans, il s’investit au sein de cette institution unique, où il travaille aujourd’hui plus particulièrement avec les résidents du centre d’accueil. Ces personnes qui, dans leur majorité, traversent de grandes difficultés, tant économiques que sociales, explorent des œuvres classiques et contemporaines pour y trouver des éléments de résonances avec leur propre vécu. Le théâtre se voit ici mis au service d’une reconstitution de soi.

Le Cash : une institution originale et hybride

 

En 1874, le département de la Seine fait construire une maison de répression à l’écart du bourg, au nord du territoire. Ce sera la Maison départementale de Nanterre, achevée en 1887. « Dépôt de mendicité », elle accueille les détenus condamnés pour mendicité ou vagabondage, notamment ceux transférés de la prison de Saint-Denis devenue vétuste. Elle reçoit aussi des femmes enfermées par « voie de correction paternelle » et des indigents hospitalisés.
 

Elle perd sa fonction carcérale après son classement en 1907 parmi les hôpitaux susceptibles de recevoir des infirmes bénéficiaires de l’assistance obligatoire, pour devenir un centre d’accueil des indigents auquel seront adjoints une maison de retraite et un hôpital. Rebaptisée en 1989 Centre d’accueil et de soins hospitaliers de Nanterre (Cash), elle devient un établissement public à caractère social et sanitaire, dont la gestion relève toujours de la préfecture de police et constitue et un cas unique en France.
 

Le Cash se divise aujourd’hui en trois structures : un hôpital général, une maison de retraite accueillant les anciens résidants de l’établissement et un centre d’accueil. Celui-ci comprend le Centre d’hébergement et de réadaptation sociale (CHRS), le Centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada) et le Centre d’hébergement et d’assistance aux personnes sans abri (Chapsa), où sont conduits les SDF recueillis par la Brigade d’assistance aux personnes sans abri de la préfecture de police (Bapsa), par le Samu social, police secours ou les cars de la RATP.
 

La présence de ces différentes structures fait du Cash de Nanterre une institution originale et sans équivalent. De fait, le Cash n’a en effet jamais appliqué la loi promulguée en 1975 qui institua en France la séparation définitive du médical et du social. Les sans-abri hébergés pour la nuit au Chapsa peuvent bénéficier de soins hospitaliers au même titre que tout citoyen, pratique de moins en moins fréquente dans les hôpitaux publics soumis à des logiques économiques déshumanisantes. Ils ont également la possibilité d’intégrer le CHRS et de s’engager sur le chemin d’une éventuelle réinsertion sociale.

De la prestation de clown au Théâtre des Amandiers

 

Le Cash organise depuis 1993 des activités culturelles et artistiques pour ses résidants. En 1995, Philippe Guérin fut sollicité pour effectuer une prestation de clown dans l’unité de long séjour de l’hôpital. Celle-ci fut chaleureusement reçue, tant par les patients que par le personnel. On lui proposa d’animer un atelier hebdomadaire à la maison de retraite. Il y développa pendant un an un travail de « réactivation de la mémoire » à l’aide d’objets familiers aux personnes âgées. A force de manipulations, il les invitait à faire appel à leur imaginaire pour détourner ces objets de leur fonction initiale. Un éducateur du CHRS qui assistait aux séances proposé d’y faire participer des résidants d’autres secteurs, notamment du CHRS et du Chapsa.
 

« Par le théâtre, je peux exprimer des choses que je ne peux pas dire ailleurs », déclare Jean-Marc, l’un des participants. Les premières années, Philippe Guérin s’est évertué à leur donner simplement la parole, élément capital pour des personnes en proie à une extrême solitude, et à structurer les propos recueillis pour en faire de courtes situations de jeu.
 

La ville eut vent de l’atelier et un premier partenariat fut mis en place en 1998 avec la bibliothèque de l’établissement. Des auteurs contemporains furent régulièrement invités au Cash pour y présenter l’une de leurs œuvres, revisitée en parallèle par l’atelier.
A partir d’improvisations, Philippe Guérin invite ses comédiens à établir des relations personnelles entre leurs histoires personnelles et les fictions des auteurs, pour arriver finalement à une création collective inspirée de cette confrontation et présentée en public. Sont ainsi intervenus, entre autres, Ahmed Kalouaz, Jean-Pierre Cannet, Maïté Pinero…

 

Ces rencontres furent, dans l’ensemble, riches et fructueuses, exception faite d’une expérience malheureuse avec l’écrivain Jean-Claude Grumberg. Celui-ci n’admit pas que l’on dénature son texte et réagit très violemment. Certains participants furent choqués de sa réaction et quittèrent l’atelier pour ne plus y revenir. Erreur de casting ? Mauvaise présentation de la démarche menée par Philippe Guérin au Cash ? Quoi qu’il en soit cette mésaventure fut un énorme échec pour l’atelier et signa l’arrêt des collaborations avec les auteurs. Cependant, comme le signale Philippe, « cette épreuve m’a ramené à une forme de réalité : personne n’est obligé de venir travailler avec les gens du Cash… »
 

L’atelier poursuit néanmoins son travail. En 2003, le Cash signe une convention avec le Théâtre des Amandiers et la ville de Nanterre, dans le cadre du programme national Culture à l’hôpital. Celle-ci vise, d’une part, à faciliter l’accès des résidants aux spectacles présentés au théâtre et, d’autre part, à permettre la rencontre avec les comédiens. Elle stipule que le travail de l’atelier devra être relié à la programmation du théâtre. C’est avec la pièce Catégorie 1.3 de Lars Noren, mise en scène par Jean-Louis Martinelli, qui venait de prendre ses fonctions de directeur des Amandiers, que ce partenariat débuta. La pièce fut travaillée par les membres de l’atelier, qui en donnèrent leur propre lecture. Ils rencontrèrent les comédiens qui travaillaient à la création de la pièce. Ces entrevues furent l’occasion d’échanges très forts. « Alain Fromager jouait un alcoolique. Dans l’atelier, un homme, alcoolique non repenti, travaillait lui aussi ce personnage. Une relation s’est établie entre eux : ils se sont alimentés l’un l’autre, à parité. »

Le théâtre, instrument de reconstruction de l’humain

 

L’atelier théâtre du Cash est un espace ouvert, chaque personne peut décider d’y entrer, de le quitter et d’y revenir. Si, aujourd’hui, certains de ses membres sont parvenus à retrouver une autonomie, tous ont rencontré, à un moment de leur vie, des difficultés qui leur ont fait perdre pied et les ont menés au Cash. « Mon but, explique Guérin, est de leur permettre de trouver dans les textes des situations qui seront jouées à partir d’éléments de leur propre vie. »
 

Une constante du travail théâtral de Philippe Guérin lui fut inspirée par Ariane Mnouchkine, lors d’un stage au Théâtre du Soleil. Il y acquit ce qu’il considère comme un élément fondamental de toute situation théâtrale, et plus largement de la vie : la notion de conflit. « J’invite les comédiens à chercher en eux des choses qui font conflit, qui grattent, afin qu’ils les donnent au personnage. »
 

Le théâtre n’est autre, selon lui, qu’un instrument de reconstruction de l’être. Le personnel du Cash semble partager cet avis. Des autorisations de rester dans l’enceinte du centre sont accordées aux personnes accueillies au Chapsa et inscrites à l’atelier (les SDF reçus d’urgence au Chapsa doivent théoriquement quitter les lieux au matin).
 

« Le théâtre est un moyen de faire remonter des choses qui sont à la source des dysfonctionnement faisant obstacle à notre développement. » C’est pourquoi il entretient à dessein la confusion entre le texte et le réel. Les séances s’articulent autour d’improvisations dont la situation de départ émane d’une œuvre. Cette année, l’atelier présentera une création collective inspirée d’un mélange entre le Médecin malgré lui de Molière et Kliniken de Lars Noren, dont l’action se déroule dans un hôpital psychiatrique. Les thèmes sont lourds : exclusion, inceste, folie, altérité, femmes battues… « J’ai une grande responsabilité. Si je lève des lièvres, il faut que je l’assume. Je mets en relation les difficultés avec du symbolique, de l’allégorique, du mythe, afin que la personne décolle de son réel sans pour autant le nier. »
 

Le travail d’improvisation s’échelonne sur plusieurs mois, à raison de deux séances par semaine. Les paroles fortes formulées par les comédiens sont prises en notes et alimentent l’écriture d’une création originale librement inspirée des pièces ayant servi de base de travail. L’intérêt majeur de cet atelier réside dans le processus de création, et non dans la présentation publique. « On montre la quintessence des moments vécus pendant neuf mois. La présentation n’est qu’une vitrine : on y met le plus beau, le plus douloureux, le plus signifiant. » Mais pour un public qui n’a pas assisté à ce lent processus d’investigation/restitution, le rendu final peut être bien déroutant…
 

Depuis dix ans, Philippe Guérin e mis en sommeil l’activité de sa compagnie, le Théâtre du Bout du Monde, pour intervenir deux fois par semaine au Cash. « Dans un lieu comme celui-ci, les gens ont des rapports temporels difficiles. Si je m’absente pour partir en tournée, ils perdent leurs repères. » Il n’en éprouve cependant aucune frustration. « Ce travail fonctionne dans la réciprocité. Il me vide, donc il me nourrit. » Un projet plus vaste est à l’œuvre pour bientôt. Il s’articulera autour d’un texte de Tardieu et établira des passerelles entre le Cash et des associations du Petit Nanterre, contribuant à tisser des liens entre les habitants et les résidants.

C’est la fonction essentielle de l’atelier théâtre, comme l’explique Emmanuel : « J’étais SDF. Je suis passé par le Chapsa. Ensuite j’ai été hébergé au CHRS. Avec le théâtre, je me suis réouvert au monde. Je me suis resociabilisé. J’ai pu créer des liens. Cet atelier apporte de l’oxygène dans nos difficultés respectives. »

 

Annabelle Weber

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